Merci à toi Tina, je n'avais plus trop envie d'alimenter le blog, j'avais besoin de faire une pause. J'ai beaucoup écrit ces derniers temps et j'arriverai peut-être à partager tout cela avec les visiteurs du site...
Ci-dessous vous trouverez la lettre que Tina m'a envoyée, par ses mots elle témoigne de l'amitié sincère que Thierry pouvait donner ...
Thierry,
Tu as rejoint l’autre rive sans que je puisse te dire au revoir.
Toi qui me connais bien, tu sais à quel point j’ai des difficultés à parler de mes sentiments, de mes chagrins, douleurs, colères et pour ne pas changer, ce n’est qu’en écrivant que je m’apaise un peu, que j’expie ce trop plein de ce qui fait mal, de rage et de rancoeur.
Je n’ai jamais eu ton savoir-communiquer !
Je suis si triste. Tu étais bien trop jeune pour vivre cette autre vie.
Tu avais encore tant de choses à accomplir ici, tant de projets à réaliser.
Je suis en colère car admettons que ça devait se passer maintenant, ce n’est pas juste la manière dont on t’a fait passer la frontière. Pas à cette date, pas là, pas sans tes proches à tes côtés. Ce n’était pas le bon scénario.
Et puis, je pense fort à Fabienne, à Pascale, à tous ceux dont tu faisais partie du quotidien et à ce trop d’espace que tu laisses et qui est terriblement étouffant.
Des souvenirs de toi sur cette terre, des anecdotes, mon Dieu, ça en fait de la matière pour écrire un livre !
Si je rembobine le film de ma vie, je m’arrête sur la fin de l’année 1992. L’année de la naissance de notre amitié. Tu étais un peu timide mais tellement attentionné, tellement gentil et tellement drôle. Tu m’as invitée à aller boire un verre et j’ai accepté car je sentais que je ne perdrais pas mon temps avec un gars aussi passionnant que toi. Je ne suis pas sûre du rôle que nous voulions, au départ, tenir dans cette histoire mais au final, ce que nous avons été l’un pour l’autre était vrai, sincère. Tu n’étais pas mon âme sœur, je n’étais pas ta promise mais nous avons vécu de belles années comme des amis d’enfance. Tu étais de ma famille.
Lorsque je me suis décidée à aller voir ma grande sœur en Australie, je ne pouvais proposer à personne d’autre que toi d’être mon compagnon de route.
Je suis super contente de t’avoir permis de réaliser un rêve.
Rien que sur le chapitre «Australie», il y en aurait des choses et des fous rires à raconter ! Merci pour toutes ces pépites de bonheur.
Comme tout le monde, je n’ai pas toujours pris les bons chemins, pas toujours rencontré les bonnes personnes et je continue encore à faire des gaffes mais j’ai tiré le gros lot de l’amitié avec toi tant tu étais un être exceptionnel.
Tu n’étais pas parfait, des défauts, tu en avais aussi des petits, certes mais des défauts quand même. Ben oui, ça se saurait si tu étais un sain.
Ce que je veux dire, c’est que tu étais un être humain terriblement humain, un des plus humains qu’il m’ait été donné de connaître. Un personnage si fort et si sensible à la fois, qui parfois pouvait perdre le contrôle. Nous n’étions pas toujours d’accord sur tout, heureusement d’ailleurs et on s’est quelques fois déçu.
Je me souviens de quelques prises de bec entre nous, de tes coups de gueule, de tes colères. A l’entrepôt, il y a une poubelle qui tremble encore rien qu’à entendre prononcer le prénom Thierry !!! Tu l’as vachement défoncée celle-là !!!
Je me rappelle également le jour où tu as dit à mon harceleur ta façon de penser. Jamais je n’avais entendu autant de gros mots à la minute que cette fois-là !
Hé oui, à Thierry, fallait quand même lui chercher des poux.
Par-dessus tout, tu avais l’art de convaincre, d’argumenter, de présenter les choses de la manière la plus optimiste qu’il soit, de rassurer et grâce à toi par exemple, mes parents ont été un peu apaisés le jour où je leur ai annoncé que je m’installais seule en appartement.
Le 28 septembre 2007, date du 6ème anniversaire du décès de maman, je t’ai croisé à la photocopieuse. On s’est taquiné, on a rigolé comme d’habitude sauf que ça n’a duré que 5 misérables minutes. Si j’avais su que c’était la dernière fois que je te voyais …
Tous les jours, je suis en manque de maman mais le 28 septembre, c’est pire, c’est une foutue date pour moi.
Le mardi suivant, Fabien m’a téléphoné en pleurs et m’a annoncé la nouvelle.
Je n’ai pas réalisé.
Le jeudi, j’ai rêvé de toi. Je sortais du bureau, tu m’attendais dans ma voiture garée sur le parking et je n’étais pas surprise car j’étais sûre que ce qu’on m’avait raconté était faux.
Tu étais au volant, je me suis assise à côté de toi et tu m’as dit : «Je vais tout t’expliquer» mais je me suis réveillée.
Certains penseront que je suis très naïve mais je sais que tu es parti là où se retrouvent les grandes et belles âmes.
Tu as bien été accueilli, n’est-ce pas ? J’imagine les retrouvailles avec ta maman, ton papa, Jean-Luc. Evidemment, tu es allé en repérage, voir où se trouvent les endroits sympas, où on peut s’amuser, faire de la musique, la fête, refaire le monde où sont restés les autres. Tu as croisé des tas de gens connus et méconnus et tu as salué tout le monde.
Tu as vu maman qui, égale à elle-même, t’a invité à manger un plat de pâtes. Le bébé à ses côtés ? C’est Cécilia, mon enfant d’amour. Bien sûr qu’elle est magnifique ! Embrasse-les pour moi et dis-leur combien je les aime.
Ensuite, tu es allé à la fête organisée en ton honneur, tu as joué du piano, tu as pris le micro et fait rire tout le monde et puis, tu es allé te coucher sachant que le travail commencerait dès le lendemain. Ton job : veiller sur Fabienne, Guillaume, Gaëtan, Hugues, Pascale, Robin, Elisa, Nico, Henri et les autres. Sois leur ange.
L’autre jour, je me suis enfin décidée à sortir les albums et à les parcourir péniblement pour commencer. Les larmes coulaient mais au fur et à mesure que des souvenirs me revenaient, je n’ai pu m’empêcher de sourire, de rire.
On a vécu des tas d’aventures ensemble, des belles comme des mauvaises.
Le beau réveillon de Noël chez Nico, nos voyages en Australie et à Corfu, nos excursions en Hollande, en Allemagne, notre journée mémorable à la foire de Charleroi et mon fou rire dans la centrifugeuse, ta chute spectaculaire devant la maison de mes parents. Je sais que tu as eu mal et je ne me moquais pas. C’était juste nerveux, comme on dit !!!
Le décès de ton papa, ton hospitalisation à Châtelet (où on a quand même bien ri car il n’y avait pas de lit à ta taille), mon opération (tu es resté avec maman jusqu’à ce que je sorte du bloc) le mal et les ragots qu’on a pu dire sur nous, nos prises de tête, nos secrets …
Les réunions de famille, ta musique, tes imitations, que du bonheur, que de merveilleux moments tu nous as permis de vivre.
Aussi, tu m’as enseigné de belles choses, tu étais un exemple. Ton amour des autres et ton sens de la communication m’épataient et puis, tu me répétais sans cesse d’avoir confiance en moi, d’être moi-même.
Lorsque des personnes faisaient des réflexions sur ta taille, j’étais toujours prête à les agresser, verbalement. Tu me retenais et c’est toujours avec toute ton élégance, toute ta splendeur et l’air de rien que tu les faisais passer pour des gros cons. Tu avais du caractère davantage forgé par ton parcours.
Sur bien des plans, nous étions si différents toi et moi. Pourtant, on riait des mêmes bêtises et nous avions une même conception du bonheur, une même vision du monde.
Nous rêvions tous les deux de trouver enfin l’amour de notre vie et de fonder une famille.
Tu as connu Pascale et moi Fabien. Tu as adopté une famille, j’ai construit la mienne.
Nos rencontres se sont, par la force des choses, par le train-train quotidien, espacées mais nous savions, cependant, que nous étions heureux l’un pour l’autre.
Le jour où tu m’as annoncé que tu avais rencontré Pascale, tu étais incroyablement beau de bonheur et jamais je n’oublierai ce qu’il y avait dans tes yeux.
On devait se faire un barbecue ensemble. On n’a jamais fixé de date.
A quoi bon regretter maintenant, c’est comme ça.
Rappelle-toi quand ton papa est parti, Vicky t’a dit qu’il y avait une étoile supplémentaire qui brillait dans le ciel.
J’ai repéré la tienne ! Le soir, si tu écoutes bien, tu m’entendras.
C’est triste de ne plus te croiser dans les couloirs chez Match, de ne plus pouvoir aller te piquer un bonbon rouge. Tu m’en avais offert 1 kg !!! A propos de cadeau, j’ai toujours le bracelet que tu avais acheté à Sidney. Je n’ai jamais trop osé le porter de peur de le perdre. Je suis contente de l’avoir encore.
Tu as toujours su me soutenir dans les moments difficiles de ma vie. Désormais, en serrant très fort ce bracelet, je puiserai ton réconfort.
Merci pour tout ce que tu m’as apporté Thierry. Sois heureux là où tu es.
Ici, évidemment, on va continuer, on va essayer de vivre pleinement chaque jour de cette vie, on va puiser là où on peut, la force de faire face aux coups durs et à les surmonter.
Tu sais, mon frère va devoir livrer un difficile combat contre une putain de maladie. Un choc, tu imagines. Chaque fois que je perds un être cher ou que l’un d’eux souffre, est malheureux ou pas bien dans sa vie, ça fait mal partout dans l’âme, partout dans le corps. C’est comme si on m’arrachait une partie de moi et je me sens tellement impuissante, toute petite.
De plus, ne plus pouvoir communiquer avec ceux de là-bas, ne plus les voir, c’est oppressant.
Alors, on respire les bulles d’oxygène de leur souvenir et on s’accroche à ce que la vie daigne nous offrir de beau, de merveilleux. On s’accroche à ce bonheur pur, plus fort que tout que sont nos enfants, on s’accroche à un sourire, à un rayon de soleil et on se ressource comme ça pour aller toujours de l’avant et trouver l’apaisement.
Au revoir Thierry et mille baisers à toi.
Tina